Comment une collectivité peut promouvoir l'activité physique chez les enfants et les adolescents ?

Interview de Sylvain Quinart, Docteur en sciences du sport et Enseignant en Activité Physique Adaptée, il exerce au sein du réseau RéPPOP-BFC (Réseau de Prévention et Prise en charge de l'Obésité Pédiatrique en Bourgogne Franche-Comté) et au CHU de Besançon. Il est spécialisé sur la thématique de l'activité physique chez les enfants et les adolescents. Il est également formateur de formateurs du Programme National Nutrition Santé.
 Publiée le 20/03/2024

L'enfance et l'adolescence sont des périodes clés pour développer des habitudes de vie favorables à la santé comme la pratique d'une activité physique régulière. Le Programme National Nutrition Santé (PNNS) préconise d'inciter les enfants à bouger dès leur plus jeune âge. En effet, jusque l'âge de 5 ans, il est recommandé de bouger au moins 3 heures par jour. Puis, de 6 à 17 ans, de bouger au moins 1 heure d'activité physique dynamique par jour, dont 3 fois par semaine des activités intenses (danses, VTT, jeux de ballons, saut à la corde…), tout en réduisant le temps passé assis jusqu'à 17 ans1.
 1. Recommandations du PNNS 4, Santé publique France, disponibles sur mangerbouger.fr 
 

Pour commencer, pouvez-vous définir les termes activité physique dynamique et activité sportive ?

L'Organisation mondiale de la Santé (OMS) définit l'activité physique comme « tout mouvement corporel qui augmente la dépense énergétique par rapport à celle du repos. » Le PNNS définit les activités physiques dynamiques comme toute activité dont l'intensité peut aller d'une intensité modérée à une intensité élevée.", commence M.Quinart.
M.Quinart précise que, Pour les enfants et les adolescents, les activités physiques dynamiques correspondent ainsi aux déplacements actifs (marche, trottinette, vélo etc.), à l'Éducation Physique et Sportive dans les temps scolaires et à toutes les activités physiques de loisirs (parc, jeux de ballons, sorties en famille, jeux dans le jardin etc.) dont les activités sportives réalisées en autonomie ou en association. L'activité sportive se définie par la pratique d'une activité physique avec une visée compétitive2 : cet enjeu augmente donc l'intensité d'effort et la fréquence. "
Pour conclure, M.Quinart insiste sur l'importance de la régularité dans les messages diffusés pour promouvoir l'activité et ainsi inciter les enfants et les adolescents à développer des routines actives et à « sortir du canapé pour bouger ».
2. Lamonte MJ, Ainsworth BE. Quantifying energy expenditure and physical activity in the context of dose response. Med Sci Sports Exerc. 2001;33:S370-378; discussion S419-420.

Les recommandations du PNNS en termes d'activité physique sont-elles atteintes chez les enfants et adolescents en France ?

Depuis 2016, l'Observatoire national de l'activité physique et de la sédentarité (Onaps) et son comité scientifique coordonnent un Report Card , un état des lieux de l'activité physique et de la sédentarité des enfants et adolescents Français.
Selon le Report Card 2022, 2/3 des enfants de moins de 10 ans atteignent les recommandations du PNNS (à savoir 60 minutes d'activité physique quotidienne) et seulement 1/3 pour les 11-17 ans avec une vraie disparité selon le sexe et les profils socio-économiques3. Ces derniers chiffres sont très éloignés des objectifs malgré la promotion de l'activité physique en France. ", indique M.Quinart et poursuit Un des principaux freins pour atteindre ces recommandations pourrait être le sentiment d'insécurité des parents pour leurs enfants. Sur ce point, les collectivités peuvent jouer un rôle important dans l'adaptation de l'environnement et en encourageant les parents à accompagner les enfants à devenir autonomes."
3.Observatoire national de l'activité physique et de la sédentarité, Activité physique et sédentarité de l'enfant et de l'adolescent, Nouvel état des lieux en France Report Card édition 2022.
    Certaines collectivités agissent !
    Ce sentiment d'insécurité des parents, constituant un des freins à l'activité physique des enfants et adolescents, est observé par certaines collectivités signataires de la charte d'engagements du PNNS. C'est le cas pour la ville de Strasbourg qui a souhaité proposer à ses habitants une offre innovante de promotion de la santé au travers de l'activité physique. Pour agir, la Maison Sport Santé de Strasbourg a déployé le programme « 
    Joue pour ta santé ! » qui a permis de mobiliser les enfants autour d'activités ludiques, pédagogiques et innovantes dans le but de les inviter à adopter des habitudes favorables à la santé, notamment en matière d'activité physique et d'alimentation et ainsi rassurer les parents sur leurs craintes en termes de sécurité.

    Pourquoi est-il important d'inciter les populations, dès le plus jeune âge à pratiquer de l'activité physique ?

    M.Quinart explique,  À court et à moyen termes, la pratique régulière d'une activité physique permet de favoriser le développement moteur, la sociabilisation et le développement psychologique de l'enfant et de l'adolescent ainsi qu'une croissance harmonieuse. A long terme, cette régularité, instaurée dans les habitus de structuration, se retrouve à l'âge adulte. En effet, de nombreuses études, comme la revue de littérature l'INJEP4 (Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire), ont montré que malgré la remise en question des habitudes de vie lors de l'adolescence, l'adulte s'appuierait toujours sur les valeurs éducatives qu'il a reçu pendant l'enfance.  " 

    En second point, l'expert accorde de l'importance aux nombreux bénéfices de l'activité physique sur la santé et insiste sur l'évolution des conditions physiques des enfants et des adolescents : "La condition physique peut être évaluée par la vitesse maximale aérobie (VMA), qui est l'allure de course que l'enfant est capable de maintenir pour une consommation d'oxygène optimale (généralement pendant 6 à 8 minutes). En effet, l'étude « Inverser les courbes », menée sur 6 321 collégiens de classe de 6e depuis 35 ans (entre 1987 et 2022), a observé en 2020 une vitesse moyenne des collégiens, mesurée par le test navette de Luc Léger, de 10,5 km/h contre 13,5 km/h en 1980.  (6) Cette baisse s'expliquerait par la diminution de la pratique physique des enfants et des adolescents en France. Des études australiennes ont également observé une baisse de 25% des capacités physiques des jeunes de 9 à 16 ans depuis 40 ans.5 "

    4.BOULIN A., Les adolescents et leur famille. Revue de littérature,
    Rapport d'étude de l'INJEP (Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire), août 2017.
    5.Observatoire national de l'activité physique et de la sédentarité (Onaps ), Etude Inverser les courbes, 2022. 

    Quel est le rôle des collectivités dans la pratique d'activité physique de ses habitants ?

    L'expert en activtié physique explique, Le rôle principal tenu par les collectivités dans la promotion de l'activité physique auprès des enfants et des adolescents est d'impulser la mise en place d'activités physiques lors des temps scolaires et périscolaires par les professionnels. Et cela passe par la formation, la sensibilisation et l'accompagnement des professionnels scolaires et périscolaires. Une formation courte, de 2 à 3 jours, permet déjà d'avoir des effets sur la mise en oeuvre d'action auprès des enfants (mise à disposition du matériel, utilisation optimale des infrastructures etc.). Les professionnels accompagnés deviennent alors acteurs tout en étant rassurés sur leur légitimité à animer ces interventions. Afin de s'assurer de la qualité des formations déployées, les collectivités peuvent s'appuyer sur le réseau de formateurs référencés PNNS qui ont des professionnels ayant des profils variés (diététiciens, infirmiers, médecins, chargés de prévention etc.) ayant suivi une formation de formateurs PNNS. A ce jour, plus de 470 professionnels sont référencés sur le site du Réseau d'Acteurs du PNNS. "
    M.Quinart complète avec les actions pouvant être mises en place par les collectivités 
    • Instaurer une dynamique chez les professionnels (éducateur, enseignant, agent périscolaire etc.) encadrant les enfants, les adolescents et les parents
    • Sensibiliser les parents sur la sécurité de la pratique au sein des lieux dédiés et à domicile
    • Investir dans les infrastructures tout en optimisant leur utilisation (city, skate-park etc.)
    • Faciliter l'accès à la pratique d'activité physique (aménagement des quartiers et des voies, construction d'abris à vélos ou à trottinettes dans les écoles etc.)
    • Mettre en place des procédures de ramassage scolaire avec un dépôt anticipé (500 à 800 mètres des écoles) qui permet aux jeunes de marcher ensemble tous les jours en sécurité pour rejoindre leurs lieux d'apprentissage
    • Rendre agréables les espaces dédiés à la pratique d'activité physique (espaces verts, attirant pour les jeunes)
    • Diffuser et communiquer pour inciter à la pratique régulière en utilisant des outils validés par le PNNS comme ceux présentés ci-dessous
     
    LE LIVRET BOUGER +
    Dans le cadre des Jeux Olympiques et Paralympiques 2024, l'Onaps et le ministère des Sports ont conçu le livret Bouger + pour les collectivités et acteurs locaux a été conçu par le Collectif Pour une France en Forme. Le livret a pour but de fournir des outils clés en main (comme des fiches-actions) pour les communes afin qu'elles puissent mettre en place des solutions pour inciter la pratique d'activité physique.
     
    DES VIDÉOS PEDAGOGIQUES 
    LE GUIDE - LES VILLES ET INTERCOMMUNALITÉS ACTRICES EN PROMOTION DE LA SANTÉ
    Le Réseau français Villes-Santé a conçu un guide  dans le cadre du projet « Alimentation et activité physique » soutenu par la Direction Générale de la Santé et Santé publique France. Au travers de 5 chapitres, le guide permet d'aborder différentes approches et actions pour que les villes et intercommunalités agissent en nutrition santé
     

     

    Sur quels dispositifs les collectivités peuvent-elles s'appuyer pour déployer ces actions ?

    Les collectivités peuvent s'appuyer sur les Jeux Olympiques et Paralympiques 2024 afin de promouvoir l'activité physique. Prendre ce courant médiatique et populaire est une opportunité pour réussir à toucher les jeunes. ", explique M.Quinart, il poursuit en insistant sur le rôle important des collectivités pour « mobiliser les jeunes sur leur envie de bouger et non pas uniquement sur celle de gagner. » Pour cela, l'expert conseille de « s'appuyer sur l'image du « champion » dans les supports de communication tout en véhiculant des valeurs de partage, de bien-être, de fairplay afin de favoriser l'engagement et la motivation à long terme.
    M.Quinart complète sa réponse, Les collectivités peuvent être financées par l'Agence nationale du Sport (ANS) dans le cadre de projets de promotion de l'activité physique (appels à projets) ou de construction d'infrastructures (gymnase, parcours de santé etc.). Des subventions peuvent également être attribuées pour les collectivités par la région, le conseil départemental ou encore lors d'appels à projets d'autres instances. "

    Sur quels professionnels les collectivités peuvent-elles s'appuyer pour mettre en place ces actions ?

     Les collectivités peuvent s'appuyer notamment sur :
    • Le personnel scolaire et périscolaire
    • Le milieu associatif sportif
    • Les associations d'éducation populaire (animateurs, éducateurs, encadrement etc.) " 
    M.Quinart souligne l'importance de l'investissement des collectivités auprès des acteurs et ainsi faire le lien entre les éducateurs sportifs du milieu associatif et les animateurs des périscolaires et enseignants de l'Éducation Nationale.

    Pour finir, quel message clé souhaitez-vous nous transmettre ?


    Les collectivités sont des acteurs clés dans la promotion de l'activité physique pour la santé. En plus d'inciter les jeunes à bouger, il est également important de les sensibiliser à la réduction des temps passés assis, la sédentarité souvent liée aux écrans chez les jeunes"