Surpoids et obésité chez l'enfant et l'adolescent : rôle de la collectivité

Interview du Docteur Brigitte Rochereau, médecin nutritionniste, spécialisée dans la prise en charge de l'obésité, impliquée dans l'édition du nouveau guide du parcours de soins de l'HAS : surpoids et obésité chez l'enfant et l'adolescent(e).

 
 Publiée le 20/05/2022

La prévalence du surpoids et de l'obésité est de 20% chez les enfants de plus de 6 ans1 et de 25% chez les adolescents2. L'obésité a de multiples conséquences sur la santé. Quand elle apparait chez l'enfant, celui-ci a un risque accru d'être en situation d'obésité à l'âge adulte.
Dans ce contexte, la Haute Autorité de Santé a publié un nouveau guide de parcours de soin pour la prise en charge du surpoids et de l'obésité de l'enfant et de l'adolescent.

 
Le nouveau Guide du parcours de soins de l'HAS : surpoids et obésité chez l'enfant et l'adolescent(e) est sorti le 2 mars 2022, quels sont les principaux changements par rapport aux recommandations précédentes ?
 
Ce guide va permettre de mettre en place un parcours de soins à différents niveaux, sur le modèle de la chirurgie bariatrique. Ainsi, l'ensemble du réseau sera impliqué dans le parcours de soin des patients, en particulier les associations de patients," explique le Dr. Rochereau.
Elle souligne aussi l'importance de dire aux parents de noter dans le carnet de santé le poids et la taille de leur enfant au moins 2 à 3 fois par an. Cela permet de pouvoir dessiner la courbe de corpulence, si précieuse pour suivre l'évolution de l'IMC (Indice de Masse Corporelle) et détecter une situation favorable à l'apparition de l'obésité infantile. 
 
 
Quelles actions concrètes en nutrition les collectivités peuvent-elles mettre en place pour prendre en charge ces enfants et adolescents ?
D'abord, Dr. Rochereau précise : Il faut avant tout connaître l'obésité, une maladie chronique de la masse grasse qui rend encore le patient coupable de « mal manger » ou de ne « pas assez bouger »."

Puis elle développe : Pour que le parcours de prise en charge des enfants et des adolescents en situation d'obésité soit optimal, la formation des soignants à cette maladie est nécessaire car il en manque.
C'est dans le domaine de la détection de l'obésité que les collectivités peuvent jouer un rôle, comme dans la formation des infirmières scolaires, ou des assistantes sociales.
La prévention par l'activité physique est aussi essentielle pour lutter contre le surpoids et l'obésité chez les enfants, et ce, dès le plus jeune âge. Il faut donner le goût de l'activité physique aux enfants pour les motiver à bouger au quotidien. Ainsi, ils auront envie de continuer la pratique d'activité physique quand ils seront plus grands. Pour cela, il est nécessaire d'impliquer les parents, les collectivités locales sans eux ne peuvent pas être efficaces.
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Le médecin dit rêver d'une Education Nationale où il y aurait davantage de temps consacré à l'activité physique et à la pratique du sport. Elle donne un exemple : Tous les matins à l'école un temps pourrait être dédié à la pratique d'un sport, avec in fine, comme les modèles anglo-saxons, des compétitions sportives inter-établissements scolaires qui sont un puissant moteur de motivation sportif. De manière générale, il faudrait donner plus de place à la l'éducation physique et sportive à l'école et à ses enseignants, modifier les trop nombreuses dispenses des enfants en surcharge pondérale en « activité physique adaptée ». Par exemple : remplacer le cross par de la marche rapide, proposer un maillot de bain adapté pour que les enfants n'aient pas honte d'aller à la piscine avec leurs camarades de classe, etc. 
Elle précise également : Pour favoriser la pratique d'activité physique, il faudrait que les installations sportives municipales dédiées à cette pratique aient des plages d'ouvertures plus larges, comme en soirée, ou pendant les vacances scolaires "
Pour le Docteur Brigitte Rochereau, le thème de l'alimentation est beaucoup abordé dans les milieux scolaires mais celui de l'activité physique ne l'est pas suffisamment alors qu'elle constitue une pièce importante pour lutter contre l'apparition de l'obésité infantile.
     
    Quels conseils pouvez-vous donner pour éviter la discrimination de cette population ?
     
     L'obésité est une maladie chronique plurifactorielle. Quand elle touche un enfant, il ne comprend pas toujours pourquoi lui est gros et pas son frère ou son copain vivant pourtant dans les mêmes conditions. Les parents comprennent encore moins les raisons de cette maladie et se sentent alors souvent fautifs. Le cliché du « gros dont c'est la faute » perdure encore.
    D'autant plus que le corps mince et musclé est omniprésent dans notre environnement (publicité, icônes de mode, milieux artistiques, …). Tant que cette représentation du corps restera à la mode, il sera difficile pour les personnes d'accepter la population atteinte de cette maladie et les discriminations continueront d'exister.
    Il est donc important que les associations de patients, en coordination avec le personnel soignant, puissent se mobiliser pour lutter contre ces discriminations en imposant une pluralité des corps représentés dans les milieux de la mode, du cinéma, ..
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    Pour finir, quel message clé souhaitez-vous nous transmettre ?
     
    L'obésité n'est pas, contrairement aux idées reçues, une urgence thérapeutique, c'est une maladie chronique. Il est important, avant de la traiter, de faire un bilan exhaustif de ses déterminants, de ses conséquences sur la santé dont les plus redoutables chez un enfant ou adolescent sont de natures psycho-sociales.
    La priorité dans la prise en charge de l'obésité chez les enfants ou les adolescents est l'implication des parents pour qu'ils puissent soutenir leur enfant et ne pas être stigmatisant. Ils doivent faire partie de la boucle de la prise en charge. Les parents sont un modèle pour leurs enfants et sont donc une des clés pour lutter contre l'obésité de ceux-ci.
    Pour les impliquer, il faut d'abord les aider : dédramatiser la maladie
    - l'obésité n'est pas une urgence thérapeutique - et les déculpabiliser - ce n'est pas de leur fauteCette maladie n'est ni aigüe ni mortelle chez l'enfant et l'adolescent. Leurs comportements, leurs habitudes et leur environnement de vie sont encore à construire.  "
       
     
    En conclusion le Docteur Brigitte Rochereau souligne que la prise en charge de l'obésité des enfants et des adolescents est multi-professionnelle, soignants, associations de patients, collectivités locales : tous ensemble contre la maladie pour le patient et ses parents.
    1. Verdot C, Torres M, Salanave B, Deschamps V. Corpulence des enfants et des adultes en France métropolitaine en 2015. Résultats de l'étude Esteban et évolution depuis 2006.
    2. Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques, Guignon N, Delmas MC, Fonteneau L. En 2017, des adolescents plutôt en meilleure santé physique mais plus souvent en surcharge pondérale. Etudes et Résultats 2019